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16 septembre 2009 3 16 /09 /septembre /2009 10:00
Bonjour à toutes et à tous,

Je vous transmets une petite suite. Bonne lecture et très bonne journée à tous, même si Phébus s'en est allé ailleurs......

 

Une voisine, nommée Marie, vint les prévenir que les allemands étaient déjà en ville. Elle leur expliqua que suite à des escarmouches sanglantes, ils délogeaient les habitants pour tout saccager et faire des prisonniers, en représailles. Après une courte discussion, elle invita toute la famille à venir partager avec elle l’abri qu’offrait sa cave.

« -Ne vous chargez pas, prenez ce que vous avez de plus cher ; votre vie à tous. Ma cave est suffisamment grande pour nous tous. Mais il faut faire vite ! »

Il y eut conciliabule et puis, de nouveaux coups de feu, cette fois proches, les décidèrent.

La famille rassembla le peu d’affaires ; quelques gaufres faites de la veille, un peu d’argent, des papiers. Franciscus avaient glissés ces derniers dans les poches de sa veste.

Quant au Bel Oncle, il s’esquiva, un court instant,  puis revint, une poche de veste enflée par ce qui l’occupait. Sous son bras gauche, il avait glissé un paquet. Quelque chose avait été mis en hâte dans une vieille taie d’oreiller. Le tout était tenu par une ficelle serrée, et grossièrement nouée, en hâte, tout autour. Sa main droite libre chercha celle de sa nièce. L’urgence et le danger firent oublier à Hélène sa curiosité et la question qu’elle souhaitait posée une seconde auparavant, ne fut jamais présentée.

Et, ils sortirent tous de la maison.

Rapidement, silencieux, veillant à ne pas être vus, ils rasèrent les murs vers l’abri proposé. La rue était déserte : le désarroi général avait fait fuir le moindre passant.

Marie les fit pénétrer, d’abord, dans un grand vestibule. Sous un escalier qui desservait les étages supérieurs, il y avait une porte. Elle était camouflée derrière un rideau de velours rouge. Elle tira ce dernier pour mieux dégager l’ouverture dérobée. Les premières marches de pierre d’un autre escalier se dévoilèrent, descendant dans l’ombre. Puis une fois tout le monde passé, Marie ferma la porte derrière elle, après avoir pris soin d’en dissimuler l’accès par la tenture. Et elle descendit rejoindre les autres.

C’est ainsi que toute ma petite famille se retrouva dans les entrailles d’une maison étrangère, inquiète, aux aguets.

Que faire, sinon attendre que le calme revienne !

Dans l’esprit des hommes, il n’y avait aucun doute, le conflit serait rapidement terminé. Ce n’était qu’une simple escarmouche ! Et puis, les français n’étaient pas loin ; ils devaient être au courant des événements actuels. On viendrait les défendre, cela ne pouvait être autrement.

 

Plus le temps passait et plus les coups de fusil se firent nombreux et violents. Soudain, ils furent si près d’eux que tout le monde retint tout aussi bien son souffle que ses paroles.

A un moment, Hélène et Emile réclamèrent à boire.

Or, dans un coin de l’abri voûté, éclairé faiblement par l’ouverture de deux soupiraux, il y avait un puits intérieur. Et c’était sur la marche bordant la margelle que les enfants de Jeanne étaient assis.

Il était rare de voir Marie au lavoir communal comme à la fontaine. Maintenant, Hélène comprenait pourquoi. Un tel puits était pratique car à demeure. L’eau y était protégée des intempéries et d’éventuels pollueurs, volontaires ou involontaires.

Un couvercle fait de simples planches réunies les unes aux autres servaient à en obstruer l’orifice. Mais il restait trop lourd pour être enlevé par un enfant ou un adolescent. Le Bel Oncle s’avança pour le soulever et le reposer, à même le sol, juste à côté. Il saisit le seau, laissé exprès près de la margelle. A son anse, était fixée une corde épaisse. Sur la terre battue, elle formait des volutes dignes d’un immense serpent.

D’un geste assuré, l’oncle fit descendre le récipient ; la corde le suivit. Puis, au bout de quelques secondes, on entendit un « plouf » lointain, attestant que quelque chose venait de heurter la surface liquide. D’une secousse infligée à la corde, il fit remplir à moitié le seau. Celui-ci fut ensuite remonté. Mentalement, Hélène compta les mouvements que firent le bras gauche et le bras droit de son oncle. Il y en eut trente-trois.

« - Comme quand le docteur vient chez nous, qu’il me fait tousser et dire ce chiffre », pensa-t-elle.

Plus mathématiquement, elle évalua que chaque mouvement de bras ramenait environ une trentaine de centimètres de corde. La surface de l’eau se trouvait donc à une petite dizaine de mètres.

Quand le Bel Oncle lui présenta le seau, elle y plongea ses mains, en formant une coupe improvisée. Le liquide était glacé et clair. Elle imagina alors qu’il s’agissait d’une eau miraculeuse. Sa bouche était sèche et cela lui fit le plus grand bien.

Emile, son frère, ne cessait de pleurnicher. Il se plaignait du ventre et Jeanne le câlinait un peu pour le calmer. Ce fut juste un court moment de tendresse dans un monde au bord de l’apocalypse.

Et la journée s’avançait, d’escarmouches en escarmouches.

Les gaufres emportées furent distribuées. Elles furent vite englouties par les enfants, un peu moins par les adultes. L’anxiété avait eu raison de certains appétits.

Dans l’après-midi, les combats s’intensifièrent et se rapprochèrent dangereusement de leur abri. Après s’être cantonnés à la hauteur du pont qui enjambait la Sambre, sur la route de Falisolle, ils débordèrent, plus agressifs que jamais, dans les rues du village. Des ombres inquiétantes de personnes en fuite ou qui en cherchaient d’autres, défilèrent devant les ouvertures de la voûte.

Plus personne ne souffla mot.

Par un réflexe protecteur, la petite famille se regroupa tout autour de la margelle, devenue, soudain, étroite et inconfortable.

Des cris venaient du dehors, sur fond de tirs répétés, puis des mots gutturaux à consonance germanique claquèrent.

Franciscus se leva d’un bond:

« -Les boches sont passés !... » Disait-il d’une voix sourde. Il s’approcha furtivement d’un soupirail.

Une forte odeur d’incendie se glissa parmi nos réfugiés. Franciscus, pétrifié, observait l’extérieur.

« - God fordom ! Ils ont mis le feu !...Ils ont mis le feu ! » Hurla-t-il soudain.

Jeanne se leva à son tour, fit un signe de croix et appela sur eux la protection divine.

Sera-t-elle suffisante ?

Pour toute réponse, des lueurs incandescentes se mirent à ramper sur les voûtes de la cave. Elles y dessinaient des danseuses infernales.

Hélène, effrayée, les larmes aux yeux, se blottit contre son oncle :

-« N’aie pas peur », lui souffla-t-il à l’oreille, « ils ne nous trouverons pas ! »

 

 A suivre ........

Avec toute mon amitié.

LOLO

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