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27 août 2010 5 27 /08 /août /2010 19:55

Bonjour à toutes et à tous,

 

Il est temps pour moi de vous livrer les dernières lignes de mon récit, ou du moins, celles qui concernent les terribles événements de ce week end d'Août 1914, à Tamines.

 

Si vous désirez connaître toute l'adolescence agitée de ma Grand-Mère Hélène, faites-le moi savoir car les chapitres suivants sont encore en écriture. Un petit mot de votre part m'encourage toujours et reste le "bienvenu".

 

Après votre lecture, vous pourrez vous rendre sur le site suivant :

 

Mes chemins de Mémoires : Août 1914 - Tamines (Sambreville)

 

http://www.photoethistoire.eu/blogs/blog1.php/2009/08/23/aout-1914-tamines-sambreville

 

vous y trouverez quelques photographies des lieux.

 

Toute ma reconnaissance va à Anne qui est l'auteure des images prises sur les lieux du drame.

Merci, Chère Anne, de vous y recueillir pour moi  (je suis si loin d'eux !)  et de m'avoir, si souvent, discrètement, rendue visite tout au long de l'avancée de l'écriture ! Votre soutien m'a donné le courage de vaincre ma pudeur..... Afin qu'ils ne soient pas morts pour rien !

 

Bonne lecture à toutes et à tous.


 

 

 

 

 Ils arrivèrent à Velaine.

La rue qui menait à l’école de la commune était déserte. Tout paraissait calme. Les maisons affichaient encore leur façade de briques rouges et restaient désespérément vides.

Tous les yeux cherchaient, à travers les fenêtres, une âme charitable. Mais le village demeurait déserté. Seul, un chat gris, effrayé par le bruit des bottes allemandes et des sabots des chevaux, traversa souplement. Il détalla dans un petit jardinet. L’ennemi s’en amusa, imitant même des miaulements idiots entrecoupés de fous rires.

On continuait à marcher, les pieds de plus en plus lourds.

L’humiliation n’était pas suffisante. Le balafré força tous les prisonniers à lever les bras en l’air. Alors que la colonne traversait le bourg, il fallut que tous se mirent en même temps à crier :

-« Vive l’Allemagne, vive Guillaume ! »

Et comme les détenus n’y mettaient pas assez de cœur, les soldats les aiguillonnaient de la pointe de leur baïonnette. Il en résulta une polyphonie désespérée.

A la sortie de Velaine, alors qu’ils abordèrent un champ, le défilé fut immobilisé.

Un conciliabule eut lieu entre les soldats. Puis, un homme s’approcha d’eux et avec un fort accent leur expliqua, tant bien que mal, qu’ils étaient libres. Tout le monde devait se disperser. Personne ne devait retourner à Tamines, sous peine d’être exécuté.

La patrouille se réorganisa et les uhlans, une fois en selle, abandonnèrent les survivants en pleine campagne.

Alors, un à un, les prisonniers baissèrent leurs bras. Perplexes, ils regardaient autour d’eux, ne sachant que faire.

Jeanne appuya sur les bras de ses enfants, encore dressés au-dessus de leur petite tête. Elle pouvait lire dans leurs yeux un profond désespoir. Elle s’effondra en larmes à leurs pieds, navrée de se sentir si impuissante. Elle les prit tour à tour dans ses bras. Elle n’avait plus assez de force pour les serrer comme elle l’aurait souhaité.

Hélène avait perdu toute expression. Les épreuves subies depuis ces dernières heures avaient eu raison de son innocence et de sa gaieté. Sa bouche était pincée et son regard cerné demeurait insondable.

En sentant sa mère l’étreindre, elle se raidit, refusant de succomber à la sensiblerie du moment. Derrière mon arrière grand-mère, sur un ciel empourpré par le coucher du soleil, se détachait à contre-jour, dans un coin du champ, un vieux calvaire de pierres.

 

Longtemps après tous ces terribles évènements, lorsque les circonstances lui réveillaient la mémoire, la première image qui revenait d’abord à l’esprit de l’adolescente, était celle de cette croix, en ce dimanche 23 août 1914.

Au fond d’elle-même, elle aurait préféré ne jamais s’en souvenir et rayer définitivement de tous les calendriers ce fameux « jour du Seigneur ».

 

Quant à Catherine, elle quitta à jamais Tamines, avec son père l’ingénieur.

Cloîtrées dans leur chagrin, mes aïeules n’eurent plus l’occasion de lui adresser la parole.

 

S’il vous arrive un jour de visiter le village, vous verrez, sans nul doute le mémorial.

En compulsant la longue liste des victimes, vous constaterez que figurent quatre Huybrecht parmi les « fusillés de La Grand’Place » : J.B, J.F, F, A.

Un  Huybrecht C. est noté sur une autre plaque, comme étant « tué mais non fusillé ». Seul de la fratrie, le Bel Oncle a son nom mêlé à beaucoup d’autres ayant eu un sort similaire.

Il a fait don de sa vie et de sa jeunesse, comme bon nombre d’hommes, en s’opposant à l’injustice, à la violence souvent gratuite et à la guerre. Il n’eut pas la chance de réaliser son doux rêve.

Aussi, j’ose espérer qu’il y a toujours, au fond d’un vieux puits oublié, dans Tamines, une boîte métallique pleine de pièces d’or. Elles sont là, endormies, qui attendent depuis bientôt un siècle, que vienne le Bel Oncle.

Dieu fasse qu’on ne les trouve jamais !

Petite fille, j’ai rêvé de ce moment merveilleux où ce grand Oncle revenait au village, sain et sauf. Je le voyais, par les yeux d’Hélène, penché sur la bouche béante du puits. Là, il y faisait glisser la corde suivie du seau. Lentement, mouvement par mouvement, il ramenait la petite « boîte à liberté », prise miraculeusement dans le récipient.

Je me réveillais alors, presque convaincue qu’il l’avait réellement fait. Oui, il avait acheté son atelier de menuisier. Oui, il avait pu épouser sa dulcinée ! Car, de l’autre côté de la margelle, une jeune fille, à la chevelure de feu, serrait contre son coeur, un couple de colombes entrain de nicher, sculpté dans un morceau de chêne….

 

Ailleurs, mais toujours en Belgique, sur un coin de buffet ou sur une vieille commode, un ouvrage en bois, remarquablement façonné, représente un duo de volatiles symbolisant la vie qui se perpétue. Il y a si longtemps qu’il est là, que plus personne ne sait d’où il vient, ni qui l’a fait et pourquoi.

Je suis la seule à le savoir…. Et vous aussi, maintenant, vous le savez !

 

Je ne peux m'empêcher de me demander si j'ai hérité de quelques traits caractéristiques  appartenant à ce Grand-Oncle.

En y réfléchissant bien, j'aime également le bois : matière noble et vivante. L'amour des vieux meubles ne cesse de me hanter depuis mon plus jeune âge. J'aime les caresser, les contempler, les cirer et admirer leurs sculptures nées de la main humaine. Si Dieu m'avait faite homme, je pense que j'aurais, tout comme lui, voulu devenir menuisier.

 

Et, une petite voix s’élève au fond de moi et semble me dire :

-« Il n’y a aucun doute, il y a du Bel Oncle en toi ! »

 

Car, je veux croire qu’on ne meurt jamais tout à fait !

 

 

 

Fin du premier chapitre......

 

Avec toute mon amitié.

 

LOLO

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commentaires

J
<br /> Je l'ai lu d'un trait.<br /> Bravo, tu as un beau coup de plume<br /> Bises Joêlle<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Bonjour Joelle,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Et bien, "d'un trait" ! Formidable ! Cela prouve que j'ai su accrocher mes lecteurs : tant mieux.<br /> <br /> <br /> Je vous rassure je reprends la plume......... Alors un peu de patience ; cela va venir.<br /> <br /> <br /> Merci pour votre visite.<br /> <br /> <br /> Toutes mes bises.<br /> <br /> LOLO<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Comment ne pas ressentir ta plume et ne pas percevoir ses souvenirs par ton récit si vibrant de simplicité et sincère de vérité.<br /> Encore Merci pour ce 'mémoire' de notre l'histoire à tous.<br /> Cordialement Chris H<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Bonjour Chris,<br /> <br /> <br /> Je vais donc continuer mon récit ; car malgré l'époque troublée où il se situe, la vie, parfois, réserve bien des surprises (de bonnes comme de mauvaises). Alors, un peu de patience, j'ai repris<br /> la plume....<br /> <br /> <br /> Merci de ta visite.<br /> <br /> <br /> Bises.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> LOLO<br /> <br /> <br /> <br />
N
<br /> super émouvant, et très interressant, continues ainsi, bisous<br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Bonjour Chère N.nette,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Heureuse de te retrouver sur mon blog. Merci pour tes encouragements. Je vais donc reprendre ma plume. Bonne journée.<br /> <br /> <br /> Bises<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> LOLO<br /> <br /> <br /> <br />